Romans français

Les lendemains, Mélissa Da Costa

Magnifique roman lu en 2 jours, un texte bouleversant, parfois immensément triste mais qui s’illumine petit à petit ❤️

C’est un roman qui prend aux tripes, dans lequel les émotions vous saisissent à la gorge. Comment ne pas être touchée par Amande, cette jeune femme qui, en l’espace de 24h, perd son mari et le bébé qu’elle attendait… Dévastée, elle quitte tout pour vivre recluse dans une petite maison au fin fond de l’Auvergne. Là, elle tente d’apprendre à vivre avec son chagrin, calquant son rythme de vie sur les saisons et la nature, redonnant vie au potager laissé à l’abandon.

Les débuts n’ont pas été faciles tant l’histoire est d’une infinie tristesse, j’en ai eu les larmes aux yeux. Mais cela vaut le coup de s’accrocher, d’accompagner Amande dans ce travail de deuil qu’elle mène à sa façon, en s’isolant et en se recroquevillant sur elle-même. Incapable de supporter la lumière du soleil, le bruit, la présence des autres, elle panse ses plaies seule ou presque. Puis petit à petit, elle franchit des paliers, ouvre une fenêtre, passe un coup de fil, sort faire quelques pas… Et là, la lumière éclaire ce roman et l’on est récompensé d’avoir enduré ces pages bouleversantes pour assister à une belle renaissance.

Magnifique hymne à la nature, au retour à la terre et à la simplicité, ce texte m’a profondément touché et marqué. Mon premier Mélissa Da Costa mais sûrement pas le dernier!

Références : « Les lendemains« , Mélissa Da Costa, aux éditions Le livre de poche, 384 pages, 7,90€.

Romans français

Soixante secondes de bonheur, Bruno Combes

Nuit du 27 au 28 décembre 1999, sur une petite route serpentant dans la forêt des landes alors que débute ce qu’on appellera « la tempête du siècle », Elena se retrouve piégée dans son véhicule encerclé par les troncs d’arbres qui s’abattent de toute part. Sans l’intervention héroïque de Sébastien, elle serait morte, seule et malheureuse. Cette tempête sera, pour la jeune femme trader à Londres, comme un électrochoc. (Re)découvrant sa région natale complètement dévastée, Elena voit ses certitudes bouleversées, son mode de vie remis en question d’autant qu’elle n’est pas insensible au charme farouche de son sauveur…

Un joli roman, qui met la nature au cœur et qui n’est pas sans rappeler les textes de Christian Signol, un peu dans la même veine. Le texte immerge le lecteur dans le milieu de la sylviculture, le travail du bois étant le pilier central du roman avec un Sébastien qui se démène pour sauver sa scierie alors que le cours du bois chute drastiquement après la tempête. J’ai aimé ce côté brut, simple et naturel avec une nature toute-puissante qui se déchaîne et contraint les hommes à plus d’humilité… Privé d’électricité et de moyens de communication, les personnages fragilisés se dévoilent et nouent des liens profonds que l’on prend plaisir à voir se développer.

La région des Landes, qui a beaucoup souffert de ce désastre, est magnifiquement mise à l’honneur et dévoile les charmes de ses paysages entre océan, dunes et forêts de pins. Elle offre son écrin sauvage et tourmenté aux personnages dans un roman plus sombre qu’à l’accoutumée mais que j’ai adoré pour ce côté cocon!

Petit coup de cœur pour Océane, la fille de Sébastien, si forte et si touchante malgré les drames qui jalonnent sa jeune existence.

Références : « Soixante secondes de bonheur« , Bruno Combes, aux éditions Michel Lafon, 391 pages, 18,95€.

Romans français

Ce qu’il faut de nuit, Laurent Petitmangin

Très belle découverte que ce court roman signé Laurent Petitmangin ! Pour la native de Metz que je suis, retrouver les expressions locales, les « le » et « la » devant les prénoms, la passion pour le club du FC Metz et les week-ends au stade derrière les grenats, cela fleure bon les souvenirs d’enfance!

D’enfance il est d’ailleurs beaucoup question dans « Ce qu’il faut de nuit » puisque on plonge dans le quotidien d’un père célibataire qui élève seul ses deux fils, Frédéric – surnommé « Fus » en raison de sa passion du foot – et Gillou. Depuis la mort de leur mère des suites d’une longue maladie, les deux garçons vivent une vie simple mais agréable auprès de leur cheminot de père. Surtout, une passion commune pour le foot et le FC Metz les réunit chaque semaine au stade Saint Symphorien pour soutenir les grenats. Ensemble, ils vibrent pour cette équipe, partageant les joies de la victoire comme les déconvenues de la défaite.

Longtemps complice, le trio finit pourtant par se déliter lorsque le cadet quitte la maison pour poursuivre des études supérieures à Paris, plongeant alors son aîné dans le marasme du manque d’ambition et des mauvaises fréquentations. Bientôt, le père découvre que Fus a des accointances avec des membres de l’extrême droite, le surprenant même à coller des affiches et à tracter pour le FN. Pour ce socialiste dans l’âme, c’est l’ultime trahison, la honte et l’humiliation infiltrent son cœur. Père et fils cohabitent alors sans se parler, dans une maison devenue triste à mourir qui ne s’égaye que lors des visites de Gillou. Mais lorsqu’un terrible drame se produit, c’est tout l’équilibre de cette famille, aussi fragile soit-il, qui vacille…

J’ai adoré ce texte à l’écriture naturelle, au plus près du parler des gens d’ici. L’auteur a su remarquablement rendre compte de cette vie des petits villages lorrains où l’engagement politique et sportif, le regard et la place dans la communauté locale comptent encore tellement. Il questionne habilement ce mélange de sentiments contradictoires que ressent le père à voir son fils s’engager dans une voie contraire à ses valeurs, un fils qu’il aime mais qui lui fait désormais honte… Hyper puissant! 

Références : « Ce qu’il faut de nuit« , Laurent Petitmangin, aux éditions Livre de poche, 144 pages, 7,20€.

Romans français

Désenchantées, Marie Vareille

Gros coup de ❤ pour le nouveau roman de Marie Vareille que j’ai dévoré en 2 jours !

Évanescence. C’est le mot qui me vient à l’esprit pour évoquer le dernier roman de Marie Vareille, mon préféré de l’autrice à ce jour. Au cœur des années 90, on découvre l’amitié fusionnelle qui lie Angélique et Sarah, deux copines inséparables jusqu’à cette nuit fatidique qui précipite la fin de leur relation. Plus rien ne sera désormais comme avant. Angélique se réinvente en créant la bande des « Désenchantées » avec deux autres camarades, laissant Sarah s’enfoncer petit à petit dans la dépression. Jusqu’au jour où l’adolescente disparaît sans laisser de trace. 20 ans après, Fanny, la sœur d’Angélique, est chargée d’écrire une série d’articles sur cette affaire non élucidée…

Marie Vareille nous offre un magnifique « cold case » avec ce texte, à mi-chemin entre roman et polar. Aux côtés de Fanny et de sa belle fille, elle aussi de la partie, on se prend au jeu de l’enquête : qu’est-il donc arrivé à Sarah? Les réponses se trouvent-elles du côté de la famille de l’adolescente ou dans son cercle d’amies ? Qui, au village, sait quelque chose et l’a gardé pour lui?

Une plongée passionnante dans l’adolescence des années 90, avec son lot de spleen, de désirs et d’espoirs déçus.

Références : « Désenchantées« , Marie Vareille, aux éditions Charleston, 320 pages, 19,90€. 

Romans français

L’aube sera grandiose, Anne-Laure Bondoux

A la sortie du cours de natation, Titania « kidnappe » son ado de fille pour la conduire dans une petite cabane au bord d’un lac, perdue au milieu de la forêt. Elle a des révélations à lui faire qui ne peuvent plus attendre. Commence alors une nuit de confidences, une nuit au cours de laquelle la mère remonte le fil de son histoire pour partager avec sa fille les secrets qu’elle garde enfouis depuis son adolescence. Au matin, rien ne sera plus pareil et l’aube s’annonce grandiose pour la mère et la fille!

C’est un roman magnifique, empreint d’amour et de douceur. On s’y sent bien aux cotés de Nine et de Titania, blottie avec elles au cœur de la nuit étoilée. L’histoire révélée après avoir été gardée secrète pendant près de 20 ans se révèle passionnante de bout en bout. Titania raconte à sa fille son enfance, les errements vécus en compagnie de sa mère et de ses frères jumeaux, les déménagements successifs au grès des amours maternels puis l’événement fondateur qui a tout bouleversé. Nine pose des questions, Titania ressort quelques souvenirs du grenier, le café noir coule à flot pour tenir le coup lors de cette nuit blanche, l’étirer jusqu’au matin lorsque la mère et les frères de Titania arriveront après deux décennies sans se voir…

L’émotion est donc palpable à chaque page au cours de cette nuit hors du temps❤

Références : « L’aube sera grandiose« , Anne-Laure Bondoux, aux éditions Gallimard Jeunesse, 336 pages, 6,70€.

Romans français

Une vie possible, Line Papin

Lire la plume si délicate de Line Papin me fait toujours du bien au cœur et à l’âme❤! Dans « Une vie possible » elle se livre comme jamais, évoquant ce besoin quasi irrépressible de coucher sur le papier son histoire, de mettre des mots sur ses maux, comme pour mieux les digérer. Elle y explore les interruptions de grossesse subies au cours des deux dernières années, l’une involontaire alors qu’elle attendait des jumeaux, l’autre volontaire un an plus tard…

Avec pudeur et sensibilité, elle revient sur ces deux évènements – véritables séismes dans son existence – et explore les questions de la maternité, du désir d’enfant, de la dépression, de l’avortement et des violences gynécologiques à travers le prisme de sa propre histoire mais aussi en convoquant les grandes figures féminines qui se sont penchées sur ces sujets encore trop souvent tabous

J’avais un peu peur que ce livre soit compliqué à lire, qu’il me mette mal à l’aise ou se révèle dérangeant mais il n’en a rien été. Au contraire, je l’ai trouvé très honnête. Line Papin parvient à dire tout haut ce que beaucoup pense tout bas, en restant digne et sincère. Elle ne cache rien de son mal-être, de ses doutes et de son besoin de solitude ; comme une sœur, elle livre son histoire et la manière dont elle a composé face aux épreuves traversées. Comme une catharsis, l’écriture lui permet de sortir la tête de l’eau, la laissant désormais face aux multiples vies possibles qui l’attendent…

Références : « Une vie possible« , Line Papin, aux éditions Stock, 250 pages, 20€.

Romans français

Propriété privée, Julia Deck 

Le cauchemar de tous les nouveaux propriétaires, c’est dans « Propriété privée » de Julia Deck! Ce roman court et insolite m’a agréablement surprise tant ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais😜

Lorsque ce couple de parisien un peu misanthrope sur les bords accède à leur rêve de devenir propriétaire d’une petite maison en banlieue, tous deux pensent avoir fait l’affaire du siècle! Leur pavillon se situe dans une impasse au calme et dispose des dernières innovations écologiques. Ça c’était le deal sur le papier. Dans la vraie vie, ils sont entourés d’une horde de voisins plus envahissants que dans « Desperate Housewives » et leur rue est défigurée par un énorme fossé de canalisation de gaz! Leur quotidien tourne vite à l’horreur pour le plus grand plaisir du lecteur qui se délecte des turpitudes de ce petit microcosme de banlieue française

En partant d’un sujet un peu bateau, Julia Deck parvient à nous embarquer dans la vie de cette communauté qui peine à vivre ensemble et dont le passe temps préféré est d’espionner son voisin. Les coups bas et les médisances pleuvent jusqu’au jour où un événement grave vient faire voler en éclat l’entente factice et artificiel du quartier. L’équilibre est rompu, le drame entre en scène…

Une lecture vraiment jubilatoire avec de nombreux rebondissements, j’ai adoré!

Références : « Propriété privée », Julia Deck, aux éditions Minuit, 176 pages, 8€.

Romans français

America(s), Ludovic Manchette et Christian Niemiec

Un formidable road trip, de Philadelphie à Los Angeles, entrepris par la (très) jeune Amy, au cours d’une semaine folle de juillet 1973! Décidée à retrouver sa grande sœur, partie il y’a un an pour devenir playmate dans la mythique Mansion d’Hugh Hefner, Amy s’embarque pour un long périple à travers les Etats-Unis, traversant le pays d’est en ouest, au gré des rencontres faites sur la route!

J’ai tout aimé dans ce roman, c’est LE road trip qu’on a envie de lire, tellement riche de rencontres et de découvertes! Comme dans « Alabama 1963 », c’est hyper bien documenté et cette fois-ci accompagné d’une bande-son qui colore le roman et le rend incroyablement vivant ! On a l’impression d’être dans l’habitacle de la voiture, devenu à notre tour des voyageurs en quête d’eux-mêmes ou de leur avenir, soumis aux aléas de la météo, discutant de la guerre du Vietnam et du Watergate, entonnant à tue-tête les chansons des années 1970

Amy fait des rencontres magnifiques, bouleversantes d’humanité, et bien sûr d’autres moins agréables ou plus insolites. Toutes participeront à rendre ce périple inoubliable car non, décidément, elle ne sera plus la même au bout du voyage… En chemin, elle mûrit, s’ouvre à de nouvelles cultures et découvre le multiculturalisme américain dans ce qu’il a de plus beau, sa tolérance et sa diversité

C’est un roman inspirant que j’ai vraiment eu plaisir à lire et que j’étais contente de retrouver. Il m’a fait voyager et m’a insufflé une envie d’évasion, de partir sur les routes en se laissant porter par le hasard🚗

Références : America(s), Ludovic Manchette et Christian Niemiec, aux éditions du Cherche Midi, 284 pages, 18€

Romans français

La déraison, Agnès Martin-Lugand

Agnès Martin-Lugand parle décidément de musique et d’amour comme personne dans ce roman, d’une intensité folle, dont on sort bouleversé, sonné, exsangue ❤!

Dans « La déraison« , son roman le plus personnel, elle nous entraîne dans une histoire d’amour tragique et tourmentée comme elle en a le secret. Ici, comme dans « Les gens heureux lisent et boivent du café », les éléments se déchaînent, comme en écho à la souffrance des personnages. Il y’a d’abord Maddie, atteinte d’une maladie incurable et qui n’a plus que quelques jours à vivre. Des moments qu’elle décide de passer aux côtés de sa fille, dans la maison familiale qui surplombe une plage bretonne balayée par le vent et les embruns. La maison dans face est occupé par Joshua, un pianiste torturé et dépressif, et son fils Nathan qui tente de lui maintenir la tête hors de l’eau. On comprend vite que Maddie et Joshua ont vécu une histoire d’amour ténébreuse il y’a plus de 20 ans, une passion dont ils ne sont jamais remis et qui les a brisé irrémédiablement

Moi qui n’aime rien tant que la tempête et les personnages tourmentés, je me suis délectée de ce roman à la fois sombre et lumineux. Bien qu’éminemment tragique – Maddie étant condamnée – on est touché par des fulgurances de bonheur, des shots de pure émotion. Il se dégage une telle puissance de leur histoire, un tel sentiment d’urgence que l’on est comme happé par leur détresse, la beauté de leur retrouvaille, la pureté des derniers instants, ces ultimes moments de vie entourés par ceux que l’on aime

Que dire aussi de Lisa et Nathan, les enfants de Maddie et Joshua, exemplaires d’abnégation et de prévenance pour leurs parents brisés qui se retrouvent au seuil de la mort

L’écriture est magnifique, pudique et lumineuse, musicale aussi puisque Maddie et Joshua s’aiment aussi passionnément qu’ils aiment le piano. Un amour viscéral et destructeur dont la bande son accompagne la lecture pour une expérience sensorielle et immersive

Références : « La déraison« , Agnès Martin-Lugand, aux éditions Michel Lafon, 280 pages, 19,95€.

Romans français

Alabama 1963, Ludovic Manchette et Christian Nimiec

Roman coup de poing, roman coup de ❤!

L’Amérique profonde, sudiste et ségrégationniste se dévoile dans cet ouvrage au titre percutant : bienvenue en Alabama à l’été 1963. Kennedy est à la tête du pays alors que la marche pour les droits civiques voit converger des milliers de personnes en direction de Washington ; Martin Luther King y prononça d’ailleurs son célèbre discours. Voilà pour l’arrière-plan historique

Pourtant, dans la petite ville de Birmingham (Alabama), les mentalités peinent à évoluer, blancs et noirs évoluant toujours dans un climat de peur, de rejet et de mépris les uns à l’égard des autres, bien loin des aspirations de Luther King. La communauté noire est néanmoins en émoi, secouée par la disparition puis la découverte du cadavre d’une petite fille noire. Une affaire que les policiers – blancs – traitent avec peu de diligence, pas concernés, pas intéressés. Ayant besoin d’argent, le détective Bud Larkin accepte d’enquêter sur l’affaire pour le compte des parents de la jeune fille. Alcoolique, colérique et bordélique, Bud met peu de coeur à l’ouvrage jusqu’à ce qu’il soit secoué par Adela, sa toute nouvelle femme de ménage. Perspicace et dotée d’un grand sens de l’observation, Adela pousse Bud à se consacrer sérieusement à l’enquête, d’autant qu’une autre enfant est à son tour portée disparue. Ensemble, Bud et Adela enquêtent, apprenant par la même occasion à se connaitre puis à se respecter et à se faire confiance

J’ai été captivée, autant par l’enquête que par la relation qui se tisse petit à petit entre cet improbable duo. Lui, l’ancien flic déchu, bourru et arrogant et elle, simple femme de ménage noire, analphabète et pieuse. C’est une lecture très immersive, bien documentée, qui plonge vraiment le lecteur au cœur des tensions raciales, à tel point que l’on imagine sans peine une adaptation sur petit ou grand écran

Références : « Alabama 1963« , Ludovic Manchette et Christian Nimiec, aux éditions Pocket, 352 pages, 7,70€.